Ensuite,
il participe à la plupart des campagnes militaires de Louis XIV. Gouverneur de Lille en 1668, brigadier en 1673, maréchal
de camp en 1676, commissaire général des fortifications en 1678, lieutenant des armées
du roi en 1688, Vauban naccédera au maréchalat quen 1703. Ces titres ne
rendent pas compte de son action sur le terrain ni de son sens politique. Cet ingénieur
militaire est en effet à lorigine de laménagement de plus dune
centaine de places fortes situées aux frontières du royaume et au-delà, de la
construction dune trentaine denceintes nouvelles et de citadelles, comme celle
de Lille, son premier grand projet urbanistique réalisé à partir de 1667.
Vauban, ingénieur militaire
Mettant à profit les acquis de ses prédécesseurs,
notamment ceux de Blaise de Pagan (1604-1655), Vauban perfectionne les méthodes
dattaque et de défense des places. Il veut à tout prix éviter les pertes en
hommes en réduisant la durée des sièges. Et, pour ce faire, il sinspire des
moyens alors utilisés par larmée ottomane pour investir une place et conçoit un
système de tranchées souterraines tracées en ligne brisée et reliées entre elles par
des parallèles ceignant les fortifications de la ville. La progression des assiégeants
se fait alors par étapes successives, grâce à lutilisation de batteries
dartillerie qui ont pour mission dexécuter des brèches. Vauban augmente
aussi lefficacité de ces batteries en inventant le tir à ricochet qui permet aux
boulets de faire plusieurs rebonds et de démolir en un seul tir les défenses et les
canons ennemis. Il dote enfin les fantassins darmes mieux adaptées à leurs
actions, comme la baïonnette. La modernisation des principes dattaque fait évoluer
la construction des fortifications. Vauban estime que la place forte doit commander le
terrain environnant, de façon à permettre des observations tactiques et à empêcher les
tirs plongeants de lennemi. Il conçoit donc des ouvrages épais, renforcés par
dimportants volumes de remblai et maintenus par des maçonneries à lépreuve
des tirs. Il prévoit des remparts munis de bastions convenablement espacés pour éviter
des tirs flanquants et protégés par des contregardes et par des ouvrages échelonnés en
profondeur. Ces derniers sont destinés à multiplier les obstacles que lassaillant
devra franchir lun après lautre.
Vauban est aussi un pragmatique. Il se rend compte que le relief de la place en
commande le tracé bastionné, quil est impossible de fortifier de la même manière
une place de plaine et une place de montagne : les perfectionnements quil apporte à la fortification,
comme les tours bastionnées à casemates (tour Rivotte à Besançon), ou le doublement
des ouvrages au-dehors de la place, dont un des meilleurs exemples est fourni par la place
alsacienne dHuningue, sont toujours introduits en fonction du site. Il constate que
la citadelle, lieu de commandement de la place et réduit pour la garnison dans la phase
ultime dun siège, doit, comme à Lille, être éloignée de la cité : cela implique
lagrandissement du périmètre fortifié des places modernisées par Vauban qui veut
alors englober tous les organes défensifs dans le même tracé bastionné.
Ce quon a appelé les " trois systèmes " de Vauban, selon la doctrine établie par le Génie en
France aux XVIIIe et XIXe siècles, nest donc quune désignation a posteriori
des aménagements variés mis au point par lingénieur en vue daugmenter
efficacement la résistance dune place. Loriginalité de Vauban est
davoir su tirer toutes les conséquences logiques des principes de lattaque
pour construire ou pour rénover les places.
Toujours dans une optique défensive, doublée du souci de stabiliser les frontières
nord-est du royaume, Vauban conçoit une double ligne de places fortes quil nomme
pré carré, destinées à verrouiller les passages les plus vulnérables.
Vauban, urbaniste militaire
Pendant les guerres de la ligue dAugsbourg et de
la succession dEspagne, Vauban se consacre aussi à la défense des côtes et met au
point un type de petit fort semi-circulaire adapté aux tirs rasants sur leau.
Lun des exemples les mieux conservés en est la tour Vauban à Camaret (Finistère).
Vauban accorde aussi beaucoup dattention au front terrestre des fortifications
maritimes comme à Blaye (Gironde). Il préconise encore linstallation de phares
constitués dune tour principale et dune tourelle descalier, comme celui
du Stiff à la pointe ouest de lîle dOuessant (Finistère). Il encourage le
développement de certains ports de guerre : il construit entièrement Dunkerque quil relie par un
canal à la haute mer pour le garantir de lensablement. En montagne, notamment à
Briançon, la nature fortement accidentée du terrain loblige à renoncer aux
dispositions habituelles de la fortification bastionnée pour reprendre celles de la
fortification médiévale afin déchelonner ses enceintes. En plaine, Vauban utilise
souvent leau pour améliorer le système défensif dune place : il y fait réaliser des
écluses dans le but dinonder artificiellement celle-ci et darrêter la
progression de lennemi. Ladjonction dune citadelle érigée à distance
de la ville (Arras : 1668 ;
Besançon :
1674-1687 ;
Strasbourg :
1681) a entraîné la construction en damier de nouveaux quartiers séparés de la
citadelle par une zone interdite à la construction, appelée esplanade.
Ainsi, dans les neuf places quil crée de toutes pièces pour protéger les
frontières (Huningue, Longwy, Phalsbourg : 1679 ; Sarrelouis : 1680 ; Montlouis : 1681 ; Fort-Louis-du-Rhin : 1687, détruite en 1794 ; Montroyal, rasée en 1702 ; Montdauphin : 1692 ; Neufbrisach : 1698), Vauban applique des principes urbanistiques simples et
normalisés en matière de construction. Une enceinte le plus régulière possible : le tracé octogonal de
Neufbrisach, en est lapplication la mieux réussie. Une organisation urbanistique
qui réponde aux exigences militaires : ce qui implique un plan en damier et une distribution
fonctionnelle des bâtiments publics et des habitations groupés autour dune place
centrale carrée destinée aux manuvres et aux parades. Les lieux du commandement
militaire se combinent harmonieusement avec les lieux voués aux activités civiles
(hôtel de ville, halles) et religieuses (église). Les casernes, dont les pavillons
situés aux extrémités sont réservés aux officiers, et les magasins à poudre sont
construits sur les remparts. La superficie de ces places est délimitée par une enceinte,
dont lextension nest pas prévue. La construction des bâtiments militaires,
quil sagisse des arsenaux ou surtout des casernes, suit des normes strictes,
où seuls les matériaux employés changent suivant les régions. Il en est de même pour
les constructions civiles. Seules les portes de ville échappent à cette rigueur
constructive car Vauban tient à leur conserver un décor sculpté à la gloire du roi. |