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VAUBAN  (1633-1707)

 

wpe2.jpg (1669 octets) Vauban est né à Saint-Léger de Foucheret (devenu Saint-Léger-Vauban, dans l'Yonne) dans une famille de petite noblesse nivernaise peu fortunée. Il s'enrôle en 1651 dans le régiment du prince de Condé, alors révolté contre le pouvoir royal. Deux ans plus tard, il est fait prisonnier par les troupes du roi, mais sa bravoure et son efficacité sur le terrain ne sont pas passées inaperçues. Mazarin l’envoie alors au service du chevalier de Clerville, commissaire général des fortifications. Il y apprend le métier d’ingénieur militaire et en obtient le brevet en 1655.

Ensuite, il participe à la plupart des campagnes militaires de Louis XIV. Gouverneur de Lille en 1668, brigadier en 1673, maréchal de camp en 1676, commissaire général des fortifications en 1678, lieutenant des armées du roi en 1688, Vauban n’accédera au maréchalat qu’en 1703.

Ces titres ne rendent pas compte de son action sur le terrain ni de son sens politique. Cet ingénieur militaire est en effet à l’origine de l’aménagement de plus d’une centaine de places fortes situées aux frontières du royaume et au-delà, de la construction d’une trentaine d’enceintes nouvelles et de citadelles, comme celle de Lille, son premier grand projet urbanistique réalisé à partir de 1667.

Vauban, ingénieur militaire

Mettant à profit les acquis de ses prédécesseurs, notamment ceux de Blaise de Pagan (1604-1655), Vauban perfectionne les méthodes d’attaque et de défense des places. Il veut à tout prix éviter les pertes en hommes en réduisant la durée des sièges. Et, pour ce faire, il s’inspire des moyens alors utilisés par l’armée ottomane pour investir une place et conçoit un système de tranchées souterraines tracées en ligne brisée et reliées entre elles par des parallèles ceignant les fortifications de la ville. La progression des assiégeants se fait alors par étapes successives, grâce à l’utilisation de batteries d’artillerie qui ont pour mission d’exécuter des brèches. Vauban augmente aussi l’efficacité de ces batteries en inventant le tir à ricochet qui permet aux boulets de faire plusieurs rebonds et de démolir en un seul tir les défenses et les canons ennemis. Il dote enfin les fantassins d’armes mieux adaptées à leurs actions, comme la baïonnette. La modernisation des principes d’attaque fait évoluer la construction des fortifications. Vauban estime que la place forte doit commander le terrain environnant, de façon à permettre des observations tactiques et à empêcher les tirs plongeants de l’ennemi. Il conçoit donc des ouvrages épais, renforcés par d’importants volumes de remblai et maintenus par des maçonneries à l’épreuve des tirs. Il prévoit des remparts munis de bastions convenablement espacés pour éviter des tirs flanquants et protégés par des contregardes et par des ouvrages échelonnés en profondeur. Ces derniers sont destinés à multiplier les obstacles que l’assaillant devra franchir l’un après l’autre.

Vauban est aussi un pragmatique. Il se rend compte que le relief de la place en commande le tracé bastionné, qu’il est impossible de fortifier de la même manière une place de plaine et une place de montagne : les perfectionnements qu’il apporte à la fortification, comme les tours bastionnées à casemates (tour Rivotte à Besançon), ou le doublement des ouvrages au-dehors de la place, dont un des meilleurs exemples est fourni par la place alsacienne d’Huningue, sont toujours introduits en fonction du site. Il constate que la citadelle, lieu de commandement de la place et réduit pour la garnison dans la phase ultime d’un siège, doit, comme à Lille, être éloignée de la cité : cela implique l’agrandissement du périmètre fortifié des places modernisées par Vauban qui veut alors englober tous les organes défensifs dans le même tracé bastionné.

Ce qu’on a appelé les " trois systèmes " de Vauban, selon la doctrine établie par le Génie en France aux XVIIIe et XIXe siècles, n’est donc qu’une désignation a posteriori des aménagements variés mis au point par l’ingénieur en vue d’augmenter efficacement la résistance d’une place. L’originalité de Vauban est d’avoir su tirer toutes les conséquences logiques des principes de l’attaque pour construire ou pour rénover les places.

Toujours dans une optique défensive, doublée du souci de stabiliser les frontières nord-est du royaume, Vauban conçoit une double ligne de places fortes qu’il nomme pré carré, destinées à verrouiller les passages les plus vulnérables.

Vauban, urbaniste militaire

Pendant les guerres de la ligue d’Augsbourg et de la succession d’Espagne, Vauban se consacre aussi à la défense des côtes et met au point un type de petit fort semi-circulaire adapté aux tirs rasants sur l’eau. L’un des exemples les mieux conservés en est la tour Vauban à Camaret (Finistère). Vauban accorde aussi beaucoup d’attention au front terrestre des fortifications maritimes comme à Blaye (Gironde). Il préconise encore l’installation de phares constitués d’une tour principale et d’une tourelle d’escalier, comme celui du Stiff à la pointe ouest de l’île d’Ouessant (Finistère). Il encourage le développement de certains ports de guerre : il construit entièrement Dunkerque qu’il relie par un canal à la haute mer pour le garantir de l’ensablement. En montagne, notamment à Briançon, la nature fortement accidentée du terrain l’oblige à renoncer aux dispositions habituelles de la fortification bastionnée pour reprendre celles de la fortification médiévale afin d’échelonner ses enceintes. En plaine, Vauban utilise souvent l’eau pour améliorer le système défensif d’une place : il y fait réaliser des écluses dans le but d’inonder artificiellement celle-ci et d’arrêter la progression de l’ennemi. L’adjonction d’une citadelle érigée à distance de la ville (Arras : 1668 ; Besançon : 1674-1687 ; Strasbourg : 1681) a entraîné la construction en damier de nouveaux quartiers séparés de la citadelle par une zone interdite à la construction, appelée esplanade.

Ainsi, dans les neuf places qu’il crée de toutes pièces pour protéger les frontières (Huningue, Longwy, Phalsbourg : 1679 ; Sarrelouis : 1680 ; Montlouis : 1681 ; Fort-Louis-du-Rhin : 1687, détruite en 1794 ; Montroyal, rasée en 1702 ; Montdauphin : 1692 ; Neufbrisach : 1698), Vauban applique des principes urbanistiques simples et normalisés en matière de construction. Une enceinte le plus régulière possible : le tracé octogonal de Neufbrisach, en est l’application la mieux réussie. Une organisation urbanistique qui réponde aux exigences militaires : ce qui implique un plan en damier et une distribution fonctionnelle des bâtiments publics et des habitations groupés autour d’une place centrale carrée destinée aux manœuvres et aux parades. Les lieux du commandement militaire se combinent harmonieusement avec les lieux voués aux activités civiles (hôtel de ville, halles) et religieuses (église). Les casernes, dont les pavillons situés aux extrémités sont réservés aux officiers, et les magasins à poudre sont construits sur les remparts. La superficie de ces places est délimitée par une enceinte, dont l’extension n’est pas prévue. La construction des bâtiments militaires, qu’il s’agisse des arsenaux ou surtout des casernes, suit des normes strictes, où seuls les matériaux employés changent suivant les régions. Il en est de même pour les constructions civiles. Seules les portes de ville échappent à cette rigueur constructive car Vauban tient à leur conserver un décor sculpté à la gloire du roi.